CHORIZO ET POMMES DE TERRE

Le tourisme

Nous avons décidé de privilégier les voyages en itinérance et en voiture depuis quelques années. Même si, évidemment, nous sommes faits de contradictions et il est probable qu’un jour cela évolue ou change. Mais peu importe. Cette décision a été prise pour des raisons environnementales, c’est certain, mais également parce que nous nous posons toujours la question du tourisme.

Qu’est-ce que ça veut de dire de faire du tourisme ? Est-ce fondamentalement laid comme le questionne la journaliste et militante Alicia Kennedy ?

Lorsque l’on décide de partir en Thaïlande par exemple. Si comme beaucoup de français, nous avons 5 semaines de congés par an donc 3 en été, le voyage va être d’environ 15 jours. Et en 15 jours, on a envie de faire plein de choses, de découvrir de l’insolite, de l’authentique, du local, des saveurs exotiques, bref tout un imaginaire lié au pays et au voyage lointain en général. Lorsque je suis partie au Vietnam, dans le sud, j’ai rencontré de nombreux couples américains, allemands, français... Nous avons partagé des repas et discuté de notre voyage, de nos manières d’appréhender notre séjour au Vietnam. La plupart m’a dit “tu restes deux mois et tu ne vas pas faire le Laos et le Cambodge en plus”, avec beaucoup d’interrogations dans leur regard, voire de déception. L’un des couples m’a expliqué que comme ils avaient peu de jours de congés aux États-Unis (seulement 10), ils voulaient rentabiliser ce voyage et parcourir le pays entier. Le Vietnam est un pays de 331 690 km². Tout est dit, c’est comme si en 15 jours, vous vous dites “tiens si je visitais la France entière”. Donc ils restaient maximum 2 nuits dans chaque lieu et prenaient des avions internes tous les deux jours pour rejoindre leur prochaine destination. Des sauts de puce. J’aurais aimé que ce couple soit une exception, mais ce n’était pas le cas. J’ai eu des discussions similaires avec d’autres. Évidemment, leur objectif était de profiter pleinement. Je ne juge pas, chacun fait ce qu’il peut, je m’interroge seulement. Je sais que le tourisme fait vivre une grande partie du pays et de plein d’autres pays. Puis, je pense que c’est toujours plus aisé en tant qu’occidentaux de s’interroger sur ces enjeux lorsqu’on a eu la possibilité de voyager partout dans le monde à bas prix. Les moyens financiers sont une condition, mais l’obtention des visas également, et elle dépend grandement des rapports de force politique. L’envie de bouger est humaine. Nous l’avons tous et toutes vécu pendant les confinements.

Le mouvement est absolument essentiel pour moi ainsi que le dépaysement, c’est-à-dire : être en dehors de chez moi. Cela peut générer tout type de voyage et de possibilités. Un pique-nique sur la plage peut être dépaysant, mais j’aime aussi partir loin et découvrir d’autres univers. Je crois que ça me rend tout simplement heureuse.

Les récits et les valeurs associés au voyage restent encore souvent liés à l’imaginaire de l’avion. J’y suis sensible, je rêve d’aller au Mexique, de retourner au Vietnam, de découvrir le Sénégal. Et si je suis complétement honnête, je ne le fais pas car je n’ai tout simplement pas les moyens. Alors je me questionne sur la notion de voyage, en essayant de la dissocier de la distance kilométrique, ce n’est pas parce qu’on est très loin de chez nous que la valeur d’un territoire est plus importante, contrairement à ce que l’on aimerait nous faire croire. Seulement, je considère la rencontre avec différentes cultures très enrichissante et nécessaire à notre ouverture sur le monde, elle permet de mettre en valeur nos singularités mais également tout ce que l’on a en commun en tant qu’humain.

Je n’ai pas de réponse à mes questions parce que je crois qu’elles dépendent de trop de facteurs liés à ce que nous sommes, à ce qui nous fait du bien, ce qui fait sens pour nous, nos moyens, notre environnement. C’est dense. Un chose est sûre je suis une touriste et une voyageuse, les deux expériences s’entremêlent. Je suis persuadée que le tourisme peut être très laid, néanmoins il me semble impossible de considérer que le tourisme ait des effets identiques partout, comme l’explique très bien l’anthropologue Saskia Cousin. Elle souligne l’importance de créer de nouveaux imaginaires liés au voyage, en rappelant que si le secteur du tourisme représente pour certains pays 50% du PIB, il faut distinguer les bénéfices pour l’industrie et ceux pour les sociétés locales “des économistes ont calculé que, en moyenne, 80% de ce qu’un touriste du nord dépense dans un pays du sud revient à une industrie du nord - notamment le transport aérien, mais aussi l’hôtellerie internationale”. Des alternatives existent plus durables, plus responsables, est-ce qu’elles permettent d’inventer de nouveaux récits, je ne sais pas, car elles restent malgré tout ancrées dans le lointain.

N’hésitez pas à m’écrire sur Instagram si vous avez des retours à me faire ou des souvenirs de voyage à m’envoyer !

En écrivant cet article, j’ai pensé à cette recette, qui correspond à tout ce que j’aime : des pommes de terre cuites longtemps, qui deviennent tendres, onctueuses, parfumées par le chorizo. Je n’en mange pas souvent, j’aime son caractère exceptionnel comme pourrait l’être un beau voyage dans un pays à des milliers de kilomètres.

La recette

Ingrédients :

200g de chorizo découpé en rondelles

500g de pommes de terre nouvelles, épluchées et découpées en morceaux

1 oignon haché

2 gousses d’ail hachées

1 cuillère à café de paprika fumé

Persil plat frais haché

Huile d’olive

Sel et poivre

Dans une grande poêle, mettez 2 cuillères à soupe d’huile d’olive, faites revenir l’oignon à feu doux pendant 20 minutes en remuant souvent pour qu’il soit presque confit. Ajoutez le chorizo et l’ail, et faites cuire en mélangeant pendant 5 min max. Ajoutez les pommes de terre et laissez cuire pendant 5 min.

Salez, et ajoutez le paprika fumé.

Couvrez avec d’eau l’ensemble de la préparation. Faites mijoter à feu doux, sans couvrir, pendant 30 minutes, jusqu’à ce que les pommes de terre soient tendres et que le liquide ait bien réduit. N’hésitez pas à remuer régulièrement pour que la cuisson soit uniforme.

Si jamais la sauce ne réduit pas suffisamment, augmentez le feu vers la fin de la cuisson pour que la réduction se fasse.

Saupoudrez de quelques feuilles de persil plat.

C’est une recette inspirée du livre de Claudia Roden Le Livre de la cuisine espagnole.