PORC AU CARAMEL

LE VIETNAM - PARTIE 1

J’ai longtemps considéré le voyage comme loin, sur un autre continent avec des cultures complètement différentes de la mienne. J’ai très vite voulu prendre l’avion, être dans les airs vers une destination où l’on parle une autre langue et où je me sentirais complétement dépaysée. J’ai commencé par le Mali (j’en parle ici), ma sœur y vivait, elle était prof de français là-bas. Nous sommes partis 2 mois en sac à dos avec deux copines et un copain. C’était l’été en pleine saison des pluies. Nous avions un pied à terre chez ma sœur dans un quartier bourgeois de Bamako. Le choc culturel fut immense. Le voyage s’est bien terminé mais il avait mal commencé. Nous avons déconstruit beaucoup de choses là-bas, à commencer par le tourisme et son impact.

Et pourtant, j’ai continué dans plusieurs pays. Je me posais des questions, mais c’était devenu un besoin.

J’avais cette étrange sensation que le voyage faisait partie d’une ascension sociale. Qu’il fallait voyager pour accéder à une catégorie différente. Un ingrédient essentiel à la quête du bonheur. Celui que tout le monde veut. C’est absurde pour certains, mais c’est une réalité pour d’autres. Et c’était la mienne pendant plusieurs années. Je dépensais mon salaire en voyage l’été. Rien de très luxueux, je n’avais pas les moyens, et j’aimais prendre les transports en commun, manger local, dormir dans des chambres d’hôtes, auberges de jeunesse, hôtels modestes.

Et puis je suis allée au Vietnam.

Je suis partie au Vietnam un an avant la pandémie pour apprendre à cuisiner et découvrir le voyage seule. J’ai eu cette opportunité autour de mes 30 ans. Je souhaitais me confronter à la solitude pendant quelques mois et tenter une expérience. J’ai pris un congé sans soldes, et le voyage a démarré à Singapour. Je suis restée une dizaine de jours chez ma cousine, qui habitait là-bas à l’époque. Puis, je me suis envolée pour le Vietnam pendant 2 mois. J’ai parcouru une bonne partie du pays en allant de cours de cuisine en cours de cuisine. A la suite de cette aventure, j’ai créé ce blog (j’en parle ici). Je n’ai jamais écrit sur ce voyage car j’avais besoin de temps et puis le temps a filé plus vite que prévu. Heureusement, j’avais tout consigné dans 3 carnets.

Le pays est très grand. J’ai atterri à Hanoï et je suis repartie d’Hô Chi Minh. Evidemment il y a eu plusieurs étapes : Ninh Binh, Hué, Hoï An, Dà Lat, Hô Chi Minh, Can Tho. J’ai pris mon temps et j’ai tout organisé en fonction de la cuisine. J’ai appris dans des restaurants, chez des particuliers, dans un hôtel. Je demandais à chaque fois : « est-ce que je peux apprendre à cuisiner avec vous ? ».

Première étape Hanoï et le Nord.

Je fais mon premier cours de cuisine au Hanoï cooking center. Ils organisent des food tour, des cours de cuisine et il y a un restaurant avec une petite bibliothèque. Le lieu est très agréable. Nous sommes trois : une américaine Maggy, le chef et moi. Maggy est là pour un voyage d’affaires, elle travaille pour le gouvernement d’Obama. Les échanges ne sont pas évidents, mon accent anglais (et mon vocabulaire) n’est pas très bon. J’ai découvert 4 recettes : une salade de papaye, le bun cha, des nems et le phô. Le phô est souvent présent dans les cours de cuisine que je vais suivre, mais je n’ai jamais réussi à la reproduire aussi bien en rentrant à la maison. Pour commencer le cours de cuisine, le chef démarre par une visite de marché juste à côté du centre. C’est le Chau Long Market, il est couvert et pas très grand. C’est mon premier marché et je découvrirai au fur et à mesure des jours que les vietnamiens et vietnamiennes s’approvisionnent principalement dans les marchés. Il y a des hyper ou supermarchés à proximité des grandes villes, mais j’en ai beaucoup moins vu dans les campagnes. Lorsque j’ai interrogé plusieurs vietnamiennes sur leurs habitudes d’achat, elles m’ont répondu qu’en général, elles aillaient au marché pour que les produits soient les plus frais. On cuisine toute la matinée et nous terminons par un barbecue dans la cour (le bun cha). Le repas se fait dans la salle du restaurant avec les autres convives et nous dégustons nos préparations. C’est délicieux. Maggy m’explique que son premier voyage au Vietnam, elle l’a fait seule dans les années 90, et qu’à l’époque elle dormait dans un ancien dortoir de l’armée à Hanoï qui était devenu une des premières auberges de jeunesse de la ville. Elle se souvient du peu de touristes qu’elle croisait dans les rues. Presque 20 ans après, elle a l’impression de découvrir un autre pays, moins authentique me dira-t-elle… Je lui répondrai qu’il est peut-être juste plus touristique, que l’authenticité d’un lieu ou d’un plat est difficile à définir, qu’un pays, qu’une population est toujours en mouvement. La discussion a continué, nous n’étions pas vraiment d’accord sur ce qui faisait ou non l’authenticité d’un pays.   

Quatrième jour à Hanoï, je change d’hôtel et je me retrouve dans une grande chambre avec une vue sur les toits, le luxe. Je n’étais pas si mal dans l’ancien homestay mais j’étais trop loin de l’animation du quartier et je n’avais pas de fenêtre. Les chambres avec fenêtre sont un peu plus chères ici, mais j’ai la possibilité de me l’offrir alors je le demande à chaque fois. La cuisine continue à être le fil conducteur de mon périple. Je marche beaucoup également. Je pars tôt le matin et je reviens souvent vers 18h pour ressortir manger quelque part. Depuis Hanoï, je visite la baie d’Halong et je rencontre un couple de français avec qui je m’entend très bien. Je suis ravie. La baie d’Halong est grandiose, j’ai rarement vu quelque chose d’aussi beau dans ma vie je crois. Évidemment, les touristes sont très présents. Et je comprends que la baie subit les croisières de plus en plus nombreuses. Mais l’industrie du tourisme est trop forte, elle fait vivre beaucoup de vietnamiens et vietnamiennes, certaines compagnies essaient de proposer des voyages sur la baie plus à l’écoute de l’environnement, moins invasive, elles restent encore minoritaires. Mon deuxième cours de cuisine à Hanoï se fait dans un restaurant un peu plus haut de gamme : le Blue Butterfly. Situé dans le centre historique, ils se sont spécialisés dans les cours de cuisine en plus du restaurant. Je suis seule pendant ce cours. Je visite un nouveau marché, celui du quartier des 36 corporations. Je goûte plein de fruits et on achète de quoi cuisiner. Les plats sont les mêmes sauf la salade de fleurs de banane. Je refais un phô, des nems et un bun cha. Le cours était très personnalisé car j’étais seule avec 3 cuisiniers.

J’aime beaucoup Hanoï. Je m’y sens bien et je reste 8 jours au total. Je mange dans plein d’endroits différents, de la cuisine de rue mais aussi dans des restaurants un peu moins bon marchés. Trois ont particulièrement retenu mon attention : Madame Hien, Porte d’Annam et un restaurant vegan incroyable Uu Dam Chay. Les deux premiers appartiennent au chef Didier Corlou des épices Corlou. La cuisine est savoureuse et rend hommage à la cuisine traditionnelle vietnamienne. Quant au dernier Un Dam Chay, qui fait référence à une fleur céleste et sacrée descendue sur terre en sanskrit, a été un vrai bonheur pour les papilles et les yeux. J’ai commandé plusieurs plats sans savoir vraiment ce que je prenais et je n’avais pas envie de m’arrêter tellement c’était bon.

Au bout du 8 jours je quitte Hanoï par le train de nuit pour Hué, l’ancienne capitale impériale du pays.

Pour démarrer cette aventure culinaire de deux mois, voici une recette de porc au caramel. La recette correspond à ce que j’ai appris là-bas, et elle est issue d’un livre de cuisine que j’aime bien : Le secret des vietnamiennes de Kim Thuy.

RECETTE

Ingrédients

500g d’échine de porc, coupé en lanières

200g de flanc de porc, coupé en tranches

2 gousses d’ail, hachées finement

2 oignons verts, coupés en tronçons

1 piment haché finement

5 c. à soupe de sucre

3 c. à soupe d’eau

3 c. à soupe de sauce poisson

Feuilles de coriandre

Poivre

Déposez le sucre dans un faitout, versez une cuillère à soupe d’eau et chauffer à feu moyen jusqu’à l’obtention d’un caramel. Montez le feu à moyen-vif, ajouter l’ail, l’oignon et le flanc de porc et cuire pendant 5 minutes en remuant constamment. Ajoutez les lanières de porc et le piment d’oiseau, poivrez généreusement et bien incorporer de façon à enduire tous les ingrédients de caramel. Versez le reste de l’eau et la sauce poisson, et poursuivre la cuisson en remuant régulièrement, jusqu’à l’obtention d’une texture légèrement sirupeuse. Servir aussitôt, garni de tronçons d’oignon vert et de feuilles de coriandre.