BOEUF BOURGUIGNON

Les restaurants

J’adore aller aux restaurants, je pense que j’aime la gastronomie même si je ne suis pas une fine connaisseuse. J’adore faire les courses y compris dans un supermarché bondé, éclairé par des néons blafards. J’aime lire sur la nourriture, j’aime regarder des films et/ou des documentaires sur notre façon de manger à travers le monde, j’aime cuisiner et bien sûr, j’aime manger.

J’ai découvert les restaurants assez jeune grâce à mes parents. En lisant une des newsletters du fooding (saucisse), l’édito plus spécifiquement, j’ai été interpellée car la journaliste Élisabeth Debourse parle d’une histoire que je connais bien : celle des classes sociales dans les restaurants.

Je ne viens pas d’un milieu ouvrier, je suis originaire d’une classe moyenne en milieu rural. Mon père était prof et ma mère secrétaire médicale. Mes parents sont issus de familles modestes, voire très modestes : les ouvriers agricoles. Mon père qui était très bon élève a vécu une ascension sociale importante grâce à l’école. Très investi dans le milieu associatif, il a consacré sa carrière à la transmission, à la musique et à l’engagement.

Le restaurant n’a jamais fait partie de leurs habitudes jeunes adultes, c’est devenu un plaisir plus tard. Mes sœurs ont coutume de dire que quand elles étaient petites, elles n’allaient jamais au restaurant, alors que moi j’ai eu la sensation d’y aller beaucoup enfant (nous avons 15 et 13 ans de différence). C’est une réalité. Des vacances en camping, certes, mais avec des restaurants régulièrement. J’ai compris que c’était un privilège lorsque plus tard, j’ai découvert les vacances entre copains et copines et que j’étais la seule à proposer d’y aller au moins une fois dans la semaine. Les vacances ont toujours été synonymes de restaurant. On m’a souvent fait remarquer que c’était une habitude de bourgeoise. C’est sans doute vrai, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais eue. Le restaurant avait fait partie de mon éducation. Mes parents n’ayant pas des moyens démesurés, nous allions manger dans des endroits abordables : des crêperies, des pizzerias, des brasseries. Mais peu importe, j’étais acculturée comme on dit en anthropologie.

Aujourd’hui, je continue de les fréquenter, et je prends le temps d’observer les personnes qui m’entourent en fonction de là où je me trouve. Par exemple, lors d’un week-end de septembre, j’ai dîné dans deux endroits opposés : un restaurant haut de gamme avec une proposition en 6 ou 7 plats et le bistrot Régent (le seul ouvert un dimanche soir dans ma campagne). La population n’était pas la même et pourtant, j’étais là, dans les deux endroits. Je n’y suis pas allée pour les mêmes raisons, mais je suis ravie que les deux existent.

Il y a deux ans, j’ai diné pour la première fois dans un restaurant une étoile. Un cadeau de Noël de ma famille. J’étais surexcitée de vivre cette expérience. Sauf que je ne me sentais pas à ma place. Nous étions entourés de serveurs et serveuses extrêmement bienveillant.e.s, mais un décalage persistait. C’était notre première fois, ça se voyait, nous n’étions pas habitués aux codes des étoilés. Mon compagnon, en partant, m’a dit « malgré la qualité des plats, je préfèrerais des restaurants plus simples ». Nous n’avons jamais retenté l’expérience.

Depuis j’ai réfléchi. Dans mon métier, j’ai souvent entendu cette phrase « non je ne vais pas aller voir ce spectacle car le théâtre ce n’est pas pour moi, je ne suis pas assez intelligent.e pour comprendre ». Dans le monde des restaurants, c’est la même chose. On a besoin de se sentir à l’aise là où on va manger et à sa place : qu’ils existent des espaces à la croisée des chemins entre un bistrot Régent et une dégustation en 6 plats, où l’on comprend ce que l’on mange, que les publics circulent. Parce que finalement les cuisines de restaurant sont des lieux de vie où se croisent toutes les classes sociales, comment ça se passe quand ceux qui font la plonge ne peuvent pas manger là où ils travaillent ? 

Pour illustrer cet article sur les restaurants, voici une recette de bœuf bourguignon de ma belle-maman Martine. Il est digne d’une bonne brasserie (en toute objectivité).

RECETTE

Ingrédients :

1kg de bœuf

5 oignons

2 cuillères à soupe de farine

1/2 litre de vin rouge (bourgogne de préférence)

60g de beurre

1 couenne de lard

1 bouquet garni

sel et poivre

1kg de pomme de terre et de carottes

Dans une cocotte, faites fondre le beurre et faites revenir les oignons émincés, ainsi que le bœuf coupé en morceaux.

Lorsque tout est bien revenu, saupoudrez de farine tout en remuant, laissez-la brunir et mouillez avec un verre d’eau. Arrosez de vin. Salez, poivrez et ajoutez le bouquet garni. Couvrez et laissez mijoter à feu doux 3h minimum. Ajoutez les carottes et les pommes de terre coupées en morceaux 1h30 avant de servir.

Servez avec un peu de persil dessus.